L’Espagne, droit dans le mur ?


Le 14 septembre dernier, un sentiment de déception et d’incompréhension touchait l’Espagne. Redoutable en Coupe Davis, mené par des joueurs de renoms, le pays devra désormais évoluer dans le Groupe II mondial après la dure, mais néanmoins attendue, défaite (3/1) face au Brésil. Retour sur la crise que connaît actuellement l’équipe ibérique.

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Qu’a-t-il bien pu se passer pour que l’Espagne, cinq fois vainqueur de la Coupe Davis depuis les années 2000 (et souvent présente dans le dernier carré de la compétition) se retrouve reléguée dans le second groupe mondial ? Avant que le drame ne se produise, Carlos Moya lui-même n’avait pas caché avoir déjà pensé à mettre un terme à son statut de capitaine de Coupe Davis lors du dernier US Open. Et en y regardant de plus près, on pourrait presque le comprendre. La dream team habituellement alignée n’était pas vraiment au rendez-vous. Avec un Rafael Nadal toujours en convalescence et un Ferrer qui avait décidé de faire l’impasse, la jeunesse aurait dû prendre la relève. A un détail près: cette dernière n’a pas répondu à l’appel. Pablo Carreño en a d’ailleurs fait les frais suite aux piques lancées par Feliciano Lopez, lui-même absent car il disputait la finale de la Copa del Rey contre…Tommy Robredo. « Je n’arrive pas à comprendre que les jeunes puissent renoncer à la Coupe Davis, qu’ils n’aient pas l’envie. La Fédération nous a tous aidé. Toni Nadal avait raison: l’heure a sonné pour que les jeunes rendent à la Fédération ce qui leur a permis d’être là, comme moi, Tommy Robredo, ou même Carlos Moya. On a tous renvoyé l’ascenseur. C’est leur tour désormais. Pourtant, il y a peu de compromis de leur part. Je ne cite personne, je parle en général. Je trouve ça un peu dégueulasse ».

Quoiqu’il en soit, le mal est fait. L’Espagne se retrouve maintenant en deuxième division, sans repère et sans capitaine. Au bord du gouffre, les membres de la RFET (Real Federacion Española de Tenis) ont dû se réunir en urgence dimanche dernier pour tenter de trouver une solution. Et après avoir essuyé un nouveau revers de la part de Carlos Moya, la Fédération nationale a finalement cédé la place de Capitaine de Coupe Davis à … sa directrice sportive, Gala León Garcia, ancienne joueuse (27ème mondiale à son meilleur classement). Il n’en fallait pas moins pour créer un nouveau cataclysme!

Une nomination controversée

A 40 ans, Gaela Leon devient la première femme à occuper le poste de Capitaine de l’Equipe de Coupe Davis en Espagne. A une époque où de plus en plus de femmes, comme Amélie Mauresmo, accèdent au statut d’entraîneur de joueurs masculins, cette nomination aurait pu sembler naturelle. Il n’en a rien été.

« La vie dans les vestiaires tient une place importante, surtout en Coupe Davis. Les joueurs y passent beaucoup du temps en tenue légère. La présence d’une femme me paraît déplacée » – Toni Nadal

Interrogé par le quotidien AS, Toni Nadal s’est dit très étonné par cette nouvelle, allant même jusqu’à la qualifier de « problème ». « En tennis et surtout en Coupe Davis, la vie dans les vestiaires est très importante. Les joueurs ont l’habitude d’y passer beaucoup de temps en tenue légère. Dans ce contexte, la présence d’une femme me paraît déplacée ». Des propos rapidement qualifiés de machistes par les défenseurs de la nouvelle capitaine même si l’entraîneur du numéro 2 mondial a ensuite tenu à nuancer ses propos. « Gala León n’a jamais été liée au tennis masculin, elle ne connaît pas cet univers. Je trouve cette décision bizarre mais ça ne veut pas dire qu’elle ne fera pas correctement son travail ».

Un faux débat sexiste ?

Présentée officiellement comme nouvelle capitaine mardi 23 septembre à Séville lors d’une conférence de presse organisée par la fédération, Gala León a reçu le soutien inconditionnel de son président, José Luis Escañuela. « Gala est la capitaine, c’est ma capitaine » a-t-il clarifié avant de répondre aux commentaires de Toni Nadal. « Je ne pense pas qu’elle ait à justifier le fait d’être une femme ».

« Elle ne connaît pas Rafa ? Ce n’est pas un problème, je peux lui présenter ». José Luis Escañuela

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Mais est-ce là le véritable problème ? Voir une femme prendre les commandes d’une des meilleures équipes du monde est-il si choquant ? Ou du moins l’est-il plus que de savoir qu’elle n’a pas de liens avec les membres de l’équipe dont elle a reçu la charge ? « Rafael ne la connaît pas » a précisé dimanche Toni Nadal qui estime qu’une méconnaissance de l’équipe et du fonctionnement de celle-ci pourrait gravement compliquer la tâche de la madrilène. Mais là encore, le président de la RFET pense avoir la réponse : « Elle ne connaît pas Rafa ? Ce n’est pas un problème, je peux lui présenter ».

Et si pour clore ce « débat sexiste », José Luis Escañuela se contentait simplement de demander l’avis d’autres femmes ? Car sa compatriote, Virginia Rano Pascual estime cette décision étrange et rappelle même sur le site tennistopic qu’il « se prend des décisions plus que questionnables à la fédération depuis quelques temps ». Sarah Pitkowski, ancienne joueuse tricolore, va, elle, plus loin. Interrogée par RMC, la française a jugé inappropriée la décision prise par la fédération espagnole. « Sportivement et psychologiquement, ça ne se défend pas. (…) Il ne faut pas mettre un joueur moyen pour une équipe vainqueur de Coupe Davis, c’est ridicule. Tu passes de Carlos Moya, ancien °1 mondial, à Gala Leon, ancienne Top 30. (…) Qu’est-ce que tu veux qu’elle aille expliquer à un mec espagnol comment jouer ? (…) Ça n’a ni queue ni tête. »

Consciente de ne pas faire l’unanimité au sein de sa nouvelle équipe, Gala León sait qu’elle sera attendue au tournant. « Ma mission n’est pas de créer un débat sexiste mais que l’équipe de Coupe Davis remonte dans le groupe mondial et que le Saladier revienne à la maison ». C’est donc dans un climat hostile qu’elle entame son capitanat avec la lourde responsabilité de remettre l’équipe espagnole de Coupe Davis sur les bons rails. Les emmènera t-elle au casse-pipe ou au sommet ? Réponse à la mi-juillet pour la première rencontre de l’équipe espagnole. Mais d’ici là, le cas Gala Léon ne sera peut-être qu’un lointain souvenir…

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Écrit par Adeline Auger et Charlotte Ezdra

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